Cette sculpture en bois peint et doré datée du début du 16e siècle sera présentée dans le futur parcours de visite du musée. Afin de lui redonner tout son éclat, elle a été nettoyée puis restaurée. Découvrez les différentes étapes de ce travail d’expert et de précision.
En 2018 et 2020, cette œuvre avait déjà fait l’objet de recherche sur les brocarts appliqués dans le cadre de l’étude « Patrimalp-Brocart » par des chercheurs français et américains de Chicago au sein de l’atelier de restauration ARC-Nucléart C’est à cet atelier qu’a été ensuite confiée sa restauration.
L’atelier ARC-Nucléart a tout d’abord réalisé une étude de polychromie sous loupe binoculaire. Des prélèvements d’échantillons ont ensuite été réalisés en vue d’une étude stratigraphique.
Cette étude a permis de mieux identifier les matériaux en présence, cibler l’intervention de conservation-restauration et le choix des produits.
Il en ressort que l’œuvre était essentiellement encrassée et obscurcie par l’oxydation de deux couches de surface : une très fine, noirâtre que l’on retrouve sur la quasi-totalité de la surface et un autre vernis plus épais d’une coloration aujourd’hui ambrée, particulièrement visible sur les carnations de tous les personnages.
Ce qui est remarquable, c’est que cette couche picturale d’origine n’a jamais été repeinte en cinq siècles d’existence !
Les dorures :
L’or est employé pour les chevelures de tous les personnages, pour leurs manteaux ainsi que pour les « brocarts appliqués » de la robe de la sainte Marie-Madeleine et du saint Jean. Les types d’apprêt employés diffèrent selon la morphologie des reliefs à dorer ou à l’effet visuel souhaité.
Les « brocarts appliqués » * :
La zone de « brocart appliqué » la plus remarquable se trouve sur la robe de la sainte Marie-Madeleine. On en trouve également, de manière extrêmement lacunaire, sur la tunique du saint Jean ainsi que sur le col de son manteau.
* Il s’agit d’une technique complexe qui visait à imiter les décors en métal précieux des tissus les plus luxueux de la fin du Moyen Age : une feuille d’étain moulé évoquait le relief de ces décors et servait de support à la feuille d’or ou au vernis doré ou coloré.
Les carnations et les traits du visage :
Les carnations de la Vierge, de la sainte Marie-Madeleine et du saint Jean présentent une couche picturale huileuse à base de blanc de plomb majoritaire additionné de pigments terreux (ocre).
Les carnations du donateur sont assez proches, à la différence qu’en surface de cette couche, de l’azurite a été additionné pour donner illusion d’une barbe naissante.
Le Christ mort, quant à lui, présente des carnations plus cadavériques pour lesquelles le blanc domine, clairsemé de coulures de sang épaisses au niveau des plaies.
L’emploi de l’azurite pour les vêtements :
L’azurite ne se repère pas de prime abord mais l’étude stratigraphique, les sondages et les analyses ont permis de détecter la présence de ce pigment sur l’intérieur des vêtements : revers des manteaux, robe de la Vierge et éléments du costume du donateur. Il s’agit d’un pigment minéral au bleu intense de grande qualité, employé au Moyen Age en remplacement du très onéreux lapis lazzuli. Appliqué avec très peu de liant, il est souvent assez mal conservé.
L’emploi des glacis colorés :
Le vert de la terrasse :
Le vert de la terrasse est un vert tendre et lumineux, composé de jaune de plomb étain et d’un pigment au cuivre. Il est très nettement perceptible dans son état d’origine sous la retombée des pieds du Christ.
Protégé par la difficulté d’accès il n’a pas reçu le vernis épais aujourd’hui obscurci, et a conservé sa luminosité originelle.
Bien que l’œuvre fût légèrement encrassée en surface, elle nécessitait d’être nettoyée avec précaution. Son nettoyage a donc dû être adapté aux particularités et à la sensibilité de chaque matériau et technique picturale. Une adaptation parfois surprenante…
Les dorures :
Pour éliminer la crasse et la première couche de surface, les dorures ont été nettoyées avec une émulsion grasse à base notamment de White Spirit et d’eau déminéralisée. Ce mélange a été appliqué quelques instants au coton puis rincé en plusieurs passages.
Cette émulsion donne de très bons résultats sans agresser la dorure et les couches préparatoires.
Les zones de « brocart appliqué » :
Les zones de « brocart appliqué » étaient simplement encrassées. Elles ont donc subi une intervention minimaliste : un simple nettoyage de surface en roulant doucement des cotons imprégnés d’eau déminéralisée pour capter les poussières en surface.
Les carnations :
Le nettoyage s’est effectué en deux temps. Tout d’abord, le vernis oxydé le plus disgracieux a été éliminé au coton à l’éthanol et un gel spécial a été appliqué sur les épaisseurs, avant d’être rincé rapidement. Ensuite, pour nettoyer légèrement la surface, le nettoyage s’est fait à la salive voire au moyen d’une salive synthétique !
Les zones les plus instables ont été restaurées par du masticage de surface, d’une étendue la plus limitée possible et sur les zones les plus délicates comme par exemple quelques petites zones dorées.
L’intégralité des retouches de couleur a consisté en l’atténuation de quelques contrastes et d’une réintégration colorée très légère, sur les zones de lacune (zones où la préparation blanche est visible) au moyen d’aquarelle.
Dénomination : Vierge de pitié de Saint-Offenge
Provenance : église Saint-Pierre et Saint-Paul (Saint-Offenge, Savoie)
Matériaux : bois sculpté polychrome et doré
Datation : fin du 15e siècle
Dimensions : Hauteur 83 cm x Longueur 77 cm x Profondeur 23 cm
Propriétaire : commune de Saint-Offenge
Date de classement monument historique : 25 février 1952
Description : la Vierge assise tient sur ses genoux le Christ mort, à sa droite saint Jean l'Evangéliste agenouillé soutient la tête du Christ, à sa gauche sainte Marie-Madeleine également agenouillée parfume la main du Rédempteur. Le sol est herbeux et caillouteux évoquant le Calvaire ; un emplacement aujourd'hui vide indiquerait le vase à onguents. Le donateur est représenté, agenouillé en prière, revêtu d'un manteau marqué du tau, symbole de l'ordre des Antonins, dont l’établissement savoyard le plus important se trouvait à Chambéry, à l’emplacement de l’hôtel de ville.
Auteur : cette sculpture est très proche d’un groupe de Vierges de pitiés conservés en Savoie, Haute-Savoie et Vallée d’Aoste qui ont pu être produites à Chambéry ou plus probablement à Genève à la fin du Moyen Age. Une grande partie de cet ensemble d’œuvres sera présentée dans l’exposition organisée par le musée-château d’Annecy. La donation de cette sculpture serait attribuable à la famille des comtes de Clermont-Mont-Saint-Jean. La composition serait influencée par les modèles bourguignons comme la Pietà de l'église Notre-Dame de Beaune ou celle de l'église Saint-Antoine de Chanceaux.
Le réseau Art médiéval dans les Alpes :
Ce réseau rassemble, pour un projet d'expositions, huit institutions partenaires : le musée diocésain de Suse, le Palazzo Madama-Museo civico d'arte antica de Turin, l'assessorat à l'Education et la Culture de la Vallée d'Aoste, le Musée cantonal d'histoire du Valais, le musée d'Art et d'Histoire de Genève, le musée-château d'Annecy et le Musée Savoisien. Ce réseau a pour but l'étude et la mise en valeur des collections médiévales conservées dans le territoire des anciens Etats de Savoie à travers notamment des expositions collectives.
Une exposition " De l'or au bout des doigts " présentera les artistes et artisans dans différents domaines : mobilier à Sion, bustes d'orfèvrerie à Turin et Aoste, un atelier d'orfèvrerie à Suse et sculpture à Annecy. Ces différentes expositions désignées sous ce titre ouvriront en 2021. Puis elles seront regroupées dans une exposition de synthèse au Musée Savoisien qui conclura ce projet après sa réouverture au public.
Les résultats de l’étude complète « Patrimalp-Brocart » ont été inclus dans un article de synthèse du catalogue d’exposition « De l’or au bout des doigts » à paraître.