Au lendemain de la défaite de 1870, la France, surpassée par l’ennemi allemand, est amputée de territoires. Autrefois peu dangereux, le voisin piémontais a depuis unifié l’Italie et représente une vraie menace si les relations diplomatiques se dégradent. Rapidement, un comité de défense a pour mission de fortifier les frontières et de moderniser un système défensif largement dépassé. Le général Séré de Rivières prend au fur et à mesure la tête de ce comité et échafaude son projet. Dans les Alpes, il adapte son schéma défensif au relief et en tire avantage. Les forts sont répartis en 3 catégories, dans la pente :
La première génération de forts est basée sur une défense passive. En Maurienne, pour interdire l’accès au tunnel ferroviaire du Fréjus on construit à Modane le fort du Replaton et à Valloire, le fort du Télégraphe. A l’entrée de la vallée, les forts de « basse-montagne » de Montgilbert, Aiton, Chamousset complètent cette défense. Pour contrôler l’accès au col du Petit-Saint-Bernard par la vallée de la Tarentaise on construit le fort du Mont, les batteries de Conflans, le fort de Tamié sur la place d’Albertville et les forts de la place de Bourg-Saint-Maurice
Dix ans plus tard, une deuxième génération de forts voit le jour. Construits pour une défense active, ils protègent au plus près la frontière, à la crête des Alpes. Les troupes alpines nouvellement créées pratiquent l’hivernage ce qui permet l’occupation constante de ces fortifications de montagne. C’est le cas à la Redoute ruinée qui protège la frontière au niveau du col du Petit-Saint-Bernard et aux forts du Mont froid, de la Turra et du Sappey pour le col du Mont-Cenis.
Promontoire rocheux dominant la vallée de la Maurienne de 900 mètres, le site est logiquement retenu par le corps du génie pour la construction du fort. Puissamment armé et fortifié, il peut accueillir plus de 200 hommes. Il fait partie du système de défense de Modane avec les forts du Replaton et du Sapey.
Eloigné du front, le fort ne joue aucun rôle pendant la Première Guerre. Il est majoritairement utilisé à des fins d’entraînement jusqu’à ce que la montée des tensions avec l’Allemagne et l’Italie dans les années 1930 entraîne un regain d’intérêt pour lui. On réalise des travaux de confort pour préparer le retour d’une garnison constante et on construit en urgence des positions renforcées de type Maginot pour y installer mitrailleuses et canons. Le fort est prêt pour affronter le conflit à venir !
En 1940, il met une grande pression sur les troupes italiennes passant par les cols de l’Aiguille noire et des Rochilles et tient son rang, empêchant toute avancée. Pendant l’Occupation, le fort est désarmé et n’est plus menacé jusqu’à ce que les armées allemandes occupent le sud de la France. Occupé par un détachement allemand, le fort est le siège d’une tragédie le 24 Août 1944 quand 4 hommes de Valloire sont brûlés vifs dans l’infirmerie. Les américains chassent les allemands du fort, qui est utilisé en tant que plateforme pour de l’artillerie lourde. C’est la fin de son utilité en temps de guerre.
Au début du 19e siècle, un poste télégraphique Chappe permettait de transmettre des messages sur de longues distances. S’il posa les bases de la communication moderne, rapidement dépassé il fut remplacé par un système électrique et démantelé quelques décennies plus tard
Après la Seconde Guerre mondaile, la question de l’utilisation du fort se pose. Bien qu’occupé de manière périodique pour des entraînements en montagne, c’est dans les télécommunications que le fort trouve une seconde vie et renoue alors avec le rôle initial du site. En 1962, un réémetteur de télévision pour le compte de la RTF (Radiodiffusion-télévision française) est installé. Par la suite, des locaux sont mis à la disposition d’acteurs publics comme privés et on installe un pylône électrique. La commune de Valloire achète le fort en 1999 et réalise des travaux de sauvegarde en lien avec l’intercommunalité. Le site est depuis accessible au public dans le cadre de visites guidées.