Le 19 décembre 1742, le paisible village d’Apremont est envahi par les soldats de l’armée espagnole. Le curé, qui voit son église disparaitre, témoigne de six journées de terreur.
Extrait du récit du Révérend Dumollard. ©Archives départementales de la Savoie [43F 337].
La succession de Charles VI d’Autriche est à l’origine d'une guerre qui dure de 1741 à 1749. Elle va opposer plusieurs nations européennes. Les conséquences du conflit pour la Savoie sont désastreuses. En 1742, le roi Charles-Emmanuel III de Savoie prend parti pour Marie-Thérèse d’Autriche, fille et héritière désignée de Charles VI, contre la France et l’Espagne. A la fin de l’année, les Espagnols envahissent le duché et en janvier 1743, ils entrent dans Chambéry. Ils installent une Délégation générale chargée de prélever des fournitures pour l'entretien de l'armée espagnole. Pendant presque sept années, les espagnols vont réquisitionner et piller toutes les ressources de la Savoie et laisser, à leur départ, le territoire et ses habitants ruinés.
Parmi les belligérants, le roi Charles Emmanuel III de Savoie, est l’allié de Marie-Thérèse d’Autriche. Ses troupes ne résistent pas à l’avancée des Espagnols. ©Archives départementales de la Savoie [BH 6487]
Les Espagnols entrent en Savoie en septembre 1742. Arrivés à Montmélian, ils renoncent à prendre la forteresse et s'installent, en attendant leur heure, sous la protection de fort Barraux. Ils se remettent en mouvement en décembre, et après des combats désastreux pour les troupes savoyardes dans la plaine de Francin, ils arrivent à Apremont le 19 décembre. Le révérend Dumollard raconte que 6000 soldats déferlent sur la paroisse. Le 21, le château tombe, et alors " les soldats arrivèrent à la porte de la cure…Ils firent sauter les serrures à coups de fusil, prirent ce que j'avois d'argent et tant sur moi que dans mon garderobe, emmenèrent mon cheval et deux vaches. Demi-heure après arriva toute l'armée. Ce fut un sac parfait. Ils eurent la cruauté de me déshabiller, ils enlevèrent tout ce qui se peut emporter, meubles, linges, vaisselles, le reste du bétail, grain, fourrage, burent le vin …"
Le révérend témoigne de la violence du pillage de la paroisse "pendant lequel on exerça les dernières violences, viol, feu, les vignes arrachées, les arbres coupés, rien n'échappa à l'avidité du soldat. Il satisfit sa brutalité, brûla tout le village du Croset". Le curé sauve dans un premier temps l'église du pillage et de la dévastation, mais pas du feu : " je ne pus la garantir, ni le presbytère, de l'incendie qui arriva le 26e jour de saint Etienne …. Le feu prit à l'étable, où s'était retiré toute sorte de gens, par le fourrage dont il était plein. Je sortis de l'église le saint sacrement et l'emportai".
La mise en garde du révérend Dumollard : "Voilà, mon cher lecteur, un abrégé de l’histoire tragique arrivée dans cette paroisse, que j’ai cru devoir vous traduire pour vous rendre plus précautionné si le cas arrivait, et de vous défier toujours des armées tant amies qu’ennemies quant elles sont dans le voisinage".
Plan et devis pour la reconstruction de l’église paroissiale et du presbytère de la communauté d’Apremont, incendiés par les Espagnols dans cette dernière guerre. ©Archives départementales de la Savoie [C 99]
En 1756, la commune d'Apremont décide de reconstruire son église. Elle est rebâtie dans l'ancien cimetière. Le marquis d'Allinges offre les pierres de taille de son château, lui aussi ruiné par la guerre. La commune ayant peu d'argent, le bâtiment est simple et sans beaucoup d'ornements. Le presbytère est également reconstruit. Il est de dimensions modestes, composé d'un rez-de-chaussée et d'un étage abritant deux petites chambres et un cabinet. Enfin, la nouvelle grange du curé est édifiée dans le jardin de la cure. Au 19e siècle, l'église, qui peut accueillir 200 personnes, est devenue trop petite. Une nouvelle église est construite en 1863, telle que l'on peut encore la voir de nos jours.