S’il est un trésor à découvrir en Savoie, c’est bien la chapelle de Notre-Dame-du-Charmaix. Tout y intrigue : la beauté sauvage du lieu, l’ancienneté de son pèlerinage et sa petite vierge noire miraculeuse.
La chapelle de Notre-Dame-du-Charmaix aujourd'hui. ©Conservation Départementale du Patrimoine
La chapelle est située sur la commune de Modane, sur l’ancienne route menant au village du Charmaix, devenu la station de ski de Val Fréjus. Elle se blottit sous le rocher, au fond de la gorge où coule le ruisseau du Grand Vallon.
On y accède par un beau et solide pont de pierre. Depuis bien longtemps, le sentier, qui passe sous son porche, conduit les passants vers les alpages et les terrains de chasse de Modane et Fourneaux, ainsi que vers l’Italie toute proche.
La Chapelle Notre-Dame-du-Charmaix début 20e siècle. Photographie François Montaz [avant 1918). ©Archives départementales de la Savoie [15Fi 86]
Les origines de Notre-Dame-du-Charmaix sont incertaines. La chapelle remplace peut-être un oratoire primitif, édifié au 11e ou 12e siècle, pour abriter une statue de la Vierge. Ces petits espaces sacrés se multiplient au Moyen Age, grâce à l’Eglise et aux monastères. Ils permettent de placer sous la protection divine, les endroits les plus sauvages et dangereux et de christianiser d’anciens lieux de cultes païens.
Les oratoires attirent rapidement des pèlerins qui viennent implorer Marie ou les Saints de les protéger des guerres, des famines ou des terribles épisodes de peste.
Le sentier menant vers Le Charmaix, avant la construction de la route actuelle. Photographie François Montaz [avant 1918]. ©Archives départementales de la Savoie [15Fi 169]
En 1401, un certain Michel Falquet de Modane, fait édifier la chapelle de Notre-Dame-du-Charmaix. L’évêque de Maurienne encourage les pèlerins à venir, en leur accordant des jours d’indulgence contre une obole pour la construction et l’embellissement du lieu.
Indulgence : rémission totale ou partielle de la peine encourue à cause des pêchés.
La rumeur des miracles dus à la Vierge enfle. Les murs de la chapelle se couvrent d’ex-voto et des offrandes en argent grossissent son modeste trésor. En 1643, le révérend père capucin François d’Orly publie un recueil des Merveilles survenues en ce lieu. Il raconte comment des enfants furent rappelés à la vie et comment des passants échappèrent aux avalanches ou aux torrents furieux. Il consigne ainsi, dans son ouvrage, trente-trois miracles, survenus depuis le 16e siècle.
La chapelle renferme une statuette de marbre blanc, recouverte dans sa moitié supérieure d’une patine noire. Marie est drapée dans une tunique à l’antique. Elle porte l’enfant Jésus sur son bras gauche et tient, dans sa main droite, un miroir. Au moyen Age, cet attribut de la Vierge rappelle qu'elle est l’image de Dieu, et que ceux qui la prient, lui adressent également leurs prières. L’enfant tient entre ses mains le globe terrestre. La tradition veut que la statue soit du 5e siècle, apportée en Maurienne par les chrétiens fuyant les persécutions de Rome. Mais elle est sans doute bien plus récente. En 1943, lors du bombardement de Modane, la statue tombe et se brise. Une main experte l’a restaurée depuis.
Depuis sa construction, la chapelle a subit des transformations. Au 17e siècle, elle est agrandie et un porche est édifié, devant l'entrée, pour abriter les pèlerins. Le sanctuaire doit son apparence actuelle aux grands travaux ordonnés par le duc de Savoie, entre 1715 et 1718, pour réparer les dommages consécutifs aux guerres. Aujourd’hui, la commune de Modane et l’association des amis de Notre-Dame-du-Charmaix veillent sur elle. Le pèlerinage, qui a lieu chaque année le 08 septembre, attire toujours de nombreux pèlerins. Les plus courageux montent à pied depuis Modane, par l'antique chemin, balisé d'oratoires.
La petite vierge noire de Notre-Dame-du-Charmaix. Photographie François Montaz [1882-1939]. ©Archives départementales de la Savoie [15Fi 13]
Cet article est illustré par les photographies de François Montaz, photographe à Modane à partir de 1882. Ses clichés livrent un véritable instantané de la vie de la vallée de la Maurienne de la fin du 19e au milieu du 20e siècle.