Vous connaissez certainement l’expression « dur comme fer ». Pendant plusieurs siècles, les mineurs ont travaillé dur pour extraire ce minerai. Entre innovations et savoir-faire métallurgiques, le fer n’a pas fini de vous étonner !
Savez-vous que le premier minerai de fer utilisé par l’homme il y a 5000 ans provient de météorites ?
Sidérite (Saint-Georges-d'Hurtières, Savoie) MHNGr.MI.2370 ©C.Durand et J.-L.Balat
Le fer évoque la dureté, la force et la robustesse. Malléable, magnétique et très résistant, il est le minerai parfait pour fabriquer des armes ou des objets du quotidien.
Le fer des montagnes savoyardes est réputé à travers toute l’Europe pour sa qualité. Sa teneur en manganèse facilite naturellement sa transformation en acier. Lorsqu’il est mélangé à du carbone il permet d’obtenir de la fonte.
Premier Âge du Fer : Maîtrise de la transformation du fer, diffusion depuis le plateau suisse par la Civilisation de Hallstatt
Développement du bas-fourneau
Diffusion du haut fourneau en Savoie
Fermeture de la dernière mine de fer en Savoie
Cette mine a été en activité pendant plus de 700 ans. Un énorme filon de sidérite d’une largeur de 8 mètres y était exploité ! Le minerai extrait alimentait des fonderies locales de la vallée de la Maurienne, celles d’autres massifs en Savoie et jusqu’aux aciéries de Rives en Isère.
©T.Bazin
La spécialisation de la basse Maurienne dans le fer s’opère au 16e siècle. Doté de ressources naturelles importantes, le territoire accueille des métallurgistes qui importent avec eux de nouvelles techniques. Parmi elles, le haut fourneau bergamasque.
Au 19e siècle, Louis Grange, propriétaire de la plupart des mines des Hurtières s’impose comme l’un des principaux maîtres de forge de basse Maurienne. Il met en place un système archaïque de production de fonte au charbon de bois en s’appuyant sur une main d’œuvre locale bon marché… Les techniques d’extraction ne font pas l’objet d’investissement. Les conditions d’exploitation sont particulièrement difficiles et reposent beaucoup sur la force humaine.
Dès la fin du 19e siècle, la famille Grange loue la concession des mines de fer de Saint-Georges-d’Hurtières à la société Schneider et Cie du Creusot. La révolution industrielle fait son entrée dans les mines des Hurtières. C’est le début d’une nouvelle ère ! Il n’y a plus qu’un seul exploitant et il utilise des techniques modernes.
De lourds aménagements et des procédés novateurs sont mis en œuvre pour pallier les contraintes de la montagne. Cependant, après avoir sous-estimé les difficultés techniques, la société Schneider et Cie est moins favorable à la poursuite des exploitations alpines. Les mines de Saint-Georges-d’Hurtières sont mises en sommeil en 1886, l’exploitation du fer ne reprendra jamais plus…
Extrait de la correspondance du contremaître des mines Louis Bonfand
©Bibliothèque Nationale d'Autriche
Dans les Hurtières, le premier qui trouve un filon en obtient la concession. Les galeries se multiplient et se croisent, formant un véritable labyrinthe. Cette course au filon attire aussi bien les hommes d’affaires de Chambéry, du Dauphiné, ou du Piémont que des mineurs locaux.
À la fin du 18e siècle on estime le nombre de mineurs à 400 répartis dans 62 exploitations. Ils attaquent le filon par 38 entrées différentes.
Au 19e siècle, Louis Grange est engagé dans une concurrence avec les autres exploitants. Il faut avancer vite et couper la route à son concurrent. Insultes, intimidations, rixes et procès rythment le quotidien. Des exploitations clandestines sont organisées la nuit et le dimanche dans les filons des autres exploitants. Les accidents causées par des éboulements, des explosions de poudre ou des chutes sont rares, ils sont surtout le fait des rivalités.
Le travail dans la mine ne se résume pas à l’extraction du minerai ! Peu le savent, mais plusieurs métiers venaient en appui du travail des mineurs.
©Musée Jadis Allevard
Dans les galeries labyrinthiques, aux côtés des mineurs, plusieurs métiers se croisent : déblayeurs, rouleurs, transporteurs, maçons ou encore charpentiers permettent à la mine de fonctionner.
Venant majoritairement des villages alentours, les hommes, alternent le travail à la mine et aux champs. Cependant, il n’est pas rare de voir des ouvriers étrangers travailler dans les mines savoyardes, notamment des Italiens.
Dès l’Antiquité, le forgeron est associé à un travailleur mythique qui fabrique des armes aux propriétés divines. Vulcain est le dieu du feu dont les attributs sont l’enclume et le marteau.
En Savoie, dès l’époque médiévale, le fer est travaillé à l’aide de forges ou de martinets. Par la suite, l’expression « maître de forges » apparaît. Elle concerne un vaste domaine d’activités, comprenant toutes les étapes allant de l’extraction à la transformation du minerai de fer.
De nombreuses clouteries apparaissent dans les Bauges à la suite de l’implantation de fonderies de fer au 17e siècle. Ces modestes clouteries font vivre beaucoup de familles du massif.
Castagnery signifie châtaignier. La devise de cette famille fait allusion à la bogue de la châtaigne : « Je nourris les bons et je pique les méchants ».
©Département de la Savoie
La famille Castagnery venue du nord de l’Italie au 16e siècle contribue grandement à l’essor de la métallurgie du fer en Savoie. Ils importent avec eux la technique du haut-fourneau « à la Bergamasque » et maîtrisent toutes les étapes de l’extraction du minerai à la transformation.
Les Castagnery obtiennent la permission d’exploiter les mines du duché et de fondre les minerais. Cet empire se transmet de père en fils, mais il arrive qu’il soit géré par des femmes. Anoblis en 1595, les Castagnery occupent de hautes fonctions administratives : conseiller d’Etat, président du Sénat de Savoie…
Leur réussite industrielle repose aussi sur des privilèges accordés par les ducs de Savoie. Au 17e siècle, les Castagnery sont exemptés de taxes d’importation et d’exportation et ont le monopole de la fabrication du fil de fer, du fer blanc, des armes et des faux.
Souvent en procès avec d’autres entrepreneurs, ils tiennent leur empire d’une main de fer. Grâce à leur sens des affaires, ils s’élèvent rapidement dans la sphère sociale et s’enrichissent considérablement.
L’importance de l’activité minière et métallurgique est liée à la présence de deux ressources abondantes en montagne : l’eau et le bois. Sans elles, impossible de transformer du minerai en métal !
Canalisée par des barrages et des dérivations, l’eau entraîne des roues hydrauliques qui créent de l’énergie et rendent les tâches moins pénibles. Le bois est quant à lui indispensable pour produire le charbon destiné à alimenter les fours. Parfois, plusieurs années sont nécessaires pour rassembler assez de charbon pour une coulée.
Le développement des haut-fourneaux au 16e siècle place le combustible au cœur des enjeux liés à la métallurgie. La raréfaction du bois en Basse Maurienne favorise la naissance de nouvelles fonderies de fer dans le massif des Bauges.
Le transport est primordial, des caravanes de mulets sillonnent les montagnes pour amener le minerai jusqu’aux fonderies ou vendre les productions. Pour rejoindre leur destination, ces convois traversent des rivières, empruntent des chemins escarpés, et franchissent des cols parfois enneigés.
Le fer, solide et résistant, permet depuis l’âge du Fer, le travail de la terre, la fabrication d’outils et ustensiles du quotidien. Mais s’il favorise le développement de la société, il est aussi un outil de destruction, au service des enjeux de pouvoir et des luttes armées.
Le cuivre : 4000 ans d'histoire
©T.Bazin
L'argent : mine de richesse et de pouvoir
©C.Clanet
©S.Berrut