Le fer : des mines et des Hommes

Vous connaissez certainement l’expression « dur comme fer ». Pendant plusieurs siècles, les mineurs ont travaillé dur pour extraire ce minerai. Entre innovations et savoir-faire métallurgiques, le fer n’a pas fini de vous étonner !

Dur comme fer !

Savez-vous que le premier minerai de fer utilisé par l’homme il y a 5000 ans provient de météorites ?

2020-mimo-siderite-fer-500-©dptsavoie 

Sidérite (Saint-Georges-d'Hurtières, Savoie) MHNGr.MI.2370 ©C.Durand et J.-L.Balat

Le fer évoque la dureté, la force et la robustesse. Malléable, magnétique et très résistant, il est le minerai parfait pour fabriquer des armes ou des objets du quotidien.

Le fer des montagnes savoyardes est réputé à travers toute l’Europe pour sa qualité. Sa teneur en manganèse facilite naturellement sa transformation en acier. Lorsqu’il est mélangé à du carbone il permet d’obtenir de la fonte.

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Pyrite, hématite, calcite, ankérite (Bourg-Saint-Maurice, Savoie) MHNGr.MI.8704 ©C.Durand et J.-L.Balat
Pyrite, hématite, calcite, ankérite (Bourg-Saint-Maurice, Savoie) MHNGr.MI.8704
Limonite (La Grave, Isère) MHNGr.MI.204 Pièce collectée par Emile Gueymard en 1828. ©C.Durand et J.-L.Balat
Limonite (La Grave, Isère) MHNGr.MI.204 Pièce collectée par Emile Gueymard en 1828
Hématite (Bourg-Saint-Maurice, Savoie) MHNGr.MI.8703 ©C.Durand et J.-L.Balat
Hématite (Bourg-Saint-Maurice, Savoie) MHNGr.MI.8703
Pyrite, sidérite (Saint-Pierre-deMesage,Isère) MHNGr.MI8595 ©C.Durand et J.-L.Balat
Pyrite, sidérite (Saint-Pierre-deMesage,Isère) MHNGr.MI8595
Tétraédrite, quatz, sidérite (Presle, Savoie) MHNGr.MI.166 Collection Emile Gueymard, 1851. ©C.Durand et J.-L.Balat
Tétraédrite, quatz, sidérite (Presle, Savoie) MHNGr.MI.166 Collection Emile Gueymard, 1851

Le fer en Savoie en quelques dates

-750 à -450

Premier Âge du Fer : Maîtrise de la transformation du fer, diffusion depuis le plateau suisse par la Civilisation de Hallstatt

11e siècle 

Développement du bas-fourneau

16e siècle

Diffusion du haut fourneau en Savoie

1866

Fermeture de la dernière mine de fer en Savoie

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Saint-Georges-d’Hurtières : la plus grande mine de fer de Savoie

Cette mine a été en activité pendant plus de 700 ans. Un énorme filon de sidérite d’une largeur de 8 mètres y était exploité ! Le minerai extrait alimentait des fonderies locales de la vallée de la Maurienne, celles d’autres massifs en Savoie et jusqu’aux aciéries de Rives en Isère.

2020-mimo-interieur-saint-georges-roue-1000-©t-bazin©T.Bazin

La spécialisation de la basse Maurienne dans le fer s’opère au 16e siècle. Doté de ressources naturelles importantes, le territoire accueille des métallurgistes qui importent avec eux de nouvelles techniques. Parmi elles, le haut fourneau bergamasque.

Au 19e siècle, Louis Grange, propriétaire de la plupart des mines des Hurtières s’impose comme l’un des principaux maîtres de forge de basse Maurienne. Il met en place un système archaïque de production de fonte au charbon de bois en s’appuyant sur une main d’œuvre locale bon marché… Les techniques d’extraction ne font pas l’objet d’investissement. Les conditions d’exploitation sont particulièrement difficiles et reposent beaucoup sur la force humaine.

Dès la fin du 19e siècle, la famille Grange loue la concession des mines de fer de Saint-Georges-d’Hurtières à la société Schneider et Cie du Creusot. La révolution industrielle fait son entrée dans les mines des Hurtières. C’est le début d’une nouvelle ère ! Il n’y a plus qu’un seul exploitant et il utilise des techniques modernes.

De lourds aménagements et des procédés novateurs sont mis en œuvre pour pallier les contraintes de la montagne. Cependant, après avoir sous-estimé les difficultés techniques, la société Schneider et Cie est moins favorable à la poursuite des exploitations alpines. Les mines de Saint-Georges-d’Hurtières sont mises en sommeil en 1886, l’exploitation du fer ne reprendra jamais plus…

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Mine de Saint-Georges-d’Hurtières, 2020. Les galeries se caractérisent par leur hauteur. Certaines peuvent atteindre 166 mètres de haut. ©T.Bazin
Mine de Saint-Georges-d’Hurtières, 2020. Les galeries se caractérisent par leur hauteur. Certaines peuvent atteindre 166 mètres de haut.
Mineurs suspendus dans le vide, 19e siècle. Les mineurs sont régulièrement dans le vide pour suivre le filon. ©Ecomusée du pays des Hurtières et le Grand Filon
Mineurs suspendus dans le vide, 19e siècle. Les mineurs sont régulièrement dans le vide pour suivre le filon.
Haut fourneau ©Musée Dauphinois
Haut fourneau.
Vestige d’un plan incliné à Saint-Georges-d’Hurtières, 2019. Peut-être avez-vous déjà aperçu sans le savoir, des vestiges de l’activité minière au cours de vos balades en montagne ? ©C.Clanet
Vestige d’un plan incliné à Saint-Georges-d’Hurtières, 2019. Peut-être avez-vous déjà aperçu sans le savoir, des vestiges de l’activité minière au cours de vos balades en montagne ?
Pavillon Schneider lors de l’Exposition Universelle de 1878. Le plan incliné de la mine de Saint-Laurent à Saint-Georges d’Hurtières est tellement performant qu’il est présenté lors de l’Exposition Universelle. Exposition universelle de 1878, Pavillon Schneider et Compagnie. ©Collection Académie François Bourdon – Le Creusot
Pavillon Schneider lors de l’Exposition Universelle de 1878. Le plan incliné de la mine de Saint-Laurent à Saint-Georges d’Hurtières est tellement performant qu’il est présenté lors de l’Exposition Universelle. Exposition universelle de 1878, Pavillon Schneider et Compagnie.

La course au filon

18 février 1851 : " Balmain et Frèrejean n'ont cessé d'occuper cent et plus d'ouvrier pour faire abbatre un pilier qui est entre notre filon de St Eloi et de la Grande fosse et en provoquant nos ouvrier par des vociférations et en les repoussant par des coups..."

Extrait de la correspondance du contremaître des mines Louis Bonfand

2020-mimo-mineur-moyen-age-1000-©bibliotheque-nationale-d-autriche©Bibliothèque Nationale d'Autriche

Dans les Hurtières, le premier qui trouve un filon en obtient la concession. Les galeries se multiplient et se croisent, formant un véritable labyrinthe. Cette course au filon attire aussi bien les hommes d’affaires de Chambéry, du Dauphiné, ou du Piémont que des mineurs locaux.

À la fin du 18e siècle on estime le nombre de mineurs à 400 répartis dans 62 exploitations. Ils attaquent le filon par 38 entrées différentes.

Au 19e siècle, Louis Grange est engagé dans une concurrence avec les autres exploitants. Il faut avancer vite et couper la route à son concurrent. Insultes, intimidations, rixes et procès rythment le quotidien. Des exploitations clandestines sont organisées la nuit et le dimanche dans les filons des autres exploitants. Les accidents causées par des éboulements, des explosions de poudre ou des chutes sont rares, ils sont surtout le fait des rivalités.

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Une histoire de mineurs !

Le travail dans la mine ne se résume pas à l’extraction du minerai ! Peu le savent, mais plusieurs métiers venaient en appui du travail des mineurs.

2020-mimo-photographie-mineurs-1000-©musee-jadis-allevard ©Musée Jadis Allevard

Dans les galeries labyrinthiques, aux côtés des mineurs, plusieurs métiers se croisent : déblayeurs, rouleurs, transporteurs, maçons ou encore charpentiers permettent à la mine de fonctionner.

Venant majoritairement des villages alentours, les hommes, alternent le travail à la mine et aux champs. Cependant, il n’est pas rare de voir des ouvriers étrangers travailler dans les mines savoyardes, notamment des Italiens.

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Les maîtres de forges

Dès l’Antiquité, le forgeron est associé à un travailleur mythique qui fabrique des armes aux propriétés divines. Vulcain est le dieu du feu dont les attributs sont l’enclume et le marteau.

En Savoie, dès l’époque médiévale, le fer est travaillé à l’aide de forges ou de martinets. Par la suite, l’expression « maître de forges » apparaît. Elle concerne un vaste domaine d’activités, comprenant toutes les étapes allant de l’extraction à la transformation du minerai de fer.

De nombreuses clouteries apparaissent dans les Bauges à la suite de l’implantation de fonderies de fer au 17e siècle. Ces modestes clouteries font vivre beaucoup de familles du massif.

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Martinets de la forge des Allues, Saint-Pierre-d’Albigny, Bauges, 2019. Les martinets de cette ancienne forge façonnaient le métal grâce à la force hydraulique. ©C.Clanet
Martinets de la forge des Allues, Saint-Pierre-d’Albigny, Bauges, 2019. Les martinets de cette ancienne forge façonnaient le métal grâce à la force hydraulique.
Taillanderie Busillet, Marthod, 2019. Cette taillanderie artisanale est en activité depuis 1874. Trois générations de forgerons se sont succédé. ©C.Clanet
Taillanderie Busillet, Marthod, 2019. Cette taillanderie artisanale est en activité depuis 1874. Trois générations de forgerons se sont succédé.
Moine fabricant des clous, 1482. Dès le 17e siècle, les moines jouent un rôle important dans le domaine métallurgique et sont de véritables entrepreneurs. Ils assument la gestion de fonderies présentes sur leur territoire. ©Stadtbibliothek im Bildungscampus Nürnberg, Amb. 317.2°, f. 101r
Moine fabricant des clous, 1482. Dès le 17e siècle, les moines jouent un rôle important dans le domaine métallurgique et sont de véritables entrepreneurs. Ils assument la gestion de fonderies présentes sur leur territoire.

L’empire industriel des Castagnery

Castagnery signifie châtaignier. La devise de cette famille fait allusion à la bogue de la châtaigne : « Je nourris les bons et je pique les méchants ».

2020-mimo-blason-castagnery-1000-©dptsavoie ©Département de la Savoie

La famille Castagnery venue du nord de l’Italie au 16e siècle contribue grandement à l’essor de la métallurgie du fer en Savoie. Ils importent avec eux la technique du haut-fourneau « à la Bergamasque » et maîtrisent toutes les étapes de l’extraction du minerai à la transformation.

Les Castagnery obtiennent la permission d’exploiter les mines du duché et de fondre les minerais. Cet empire se transmet de père en fils, mais il arrive qu’il soit géré par des femmes. Anoblis en 1595, les Castagnery occupent de hautes fonctions administratives : conseiller d’Etat, président du Sénat de Savoie…

Leur réussite industrielle repose aussi sur des privilèges accordés par les ducs de Savoie. Au 17e siècle, les Castagnery sont exemptés de taxes d’importation et d’exportation et ont le monopole de la fabrication du fil de fer, du fer blanc, des armes et des faux.

Souvent en procès avec d’autres entrepreneurs, ils tiennent leur empire d’une main de fer. Grâce à leur sens des affaires, ils s’élèvent rapidement dans la sphère sociale et s’enrichissent considérablement.

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Portrait de Jean-Baptiste Castagnery et de son épouse Christine Lucie Bergera, 18e siècle. ©Collection privée.
Portrait de Jean-Baptiste Castagnery et de son épouse Christine Lucie Bergera, 18e siècle.
Portrait de Pierre Antoine Castagnery et de son épouse Louise Thérèse de Valfré de Vaudier, 18e siècle. ©Collection privée
Portrait de Pierre Antoine Castagnery et de son épouse Louise Thérèse de Valfré de Vaudier, 18e siècle.
Coffre-fort des Castagnery, 18e siècle. La fortune amassée grâce à leur industrie permet aux Castagnery d’acquérir de nombreuses terres, notamment la baronnie des Hurtières avec ses mines.
Coffre-fort des Castagnery, 18e siècle. La fortune amassée grâce à leur industrie permet aux Castagnery d’acquérir de nombreuses terres, notamment la baronnie des Hurtières avec ses mines.
Château d’argentine, 20e siècle. A Argentine dans la vallée de la Maurienne, les Castagnery possèdent un château construit à proximité de leurs fonderies de fer et de cuivre.
Château d’argentine, 20e siècle. A Argentine dans la vallée de la Maurienne, les Castagnery possèdent un château construit à proximité de leurs fonderies de fer et de cuivre.
Escalier de l’hôtel particulier des Castagnery à Chambéry, 2019. Les ferronneries d’art sont l’une des spécialités des fabriques de la famille. ©C.Clanet
Escalier de l’hôtel particulier des Castagnery à Chambéry, 2019. Les ferronneries d’art sont l’une des spécialités des fabriques de la famille.

L'eau, le bois et le fer

L’importance de l’activité minière et métallurgique est liée à la présence de deux ressources abondantes en montagne : l’eau et le bois. Sans elles, impossible de transformer du minerai en métal !

Canalisée par des barrages et des dérivations, l’eau entraîne des roues hydrauliques qui créent de l’énergie et rendent les tâches moins pénibles. Le bois est quant à lui indispensable pour produire le charbon destiné à alimenter les fours. Parfois, plusieurs années sont nécessaires pour rassembler assez de charbon pour une coulée.

Le développement des haut-fourneaux au 16e siècle place le combustible au cœur des enjeux liés à la métallurgie. La raréfaction du bois en Basse Maurienne favorise la naissance de nouvelles fonderies de fer dans le massif des Bauges.

Le transport est primordial, des caravanes de mulets sillonnent les montagnes pour amener le minerai jusqu’aux fonderies ou vendre les productions. Pour rejoindre leur destination, ces convois traversent des rivières, empruntent des chemins escarpés, et franchissent des cols parfois enneigés.

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Plan de la fonderie d’Epierre, 1871. L’eau et le bois déterminent les lieux d’implantation des fonderies. L’idéal est d’être à proximité d’un torrent et dans un secteur riche en bois.
Plan de la fonderie d’Epierre, 1871. L’eau et le bois déterminent les lieux d’implantation des fonderies. L’idéal est d’être à proximité d’un torrent et dans un secteur riche en bois.
Le travail des charbonniers, 16e siècle, La Rouge Myne de Sainct Nicolas de la Croix, dessinée par Heinrich Gross.
Le travail des charbonniers, 16e siècle, La Rouge Myne de Sainct Nicolas de la Croix, dessinée par Heinrich Gross.
Extraits des cartes "Les duchés de Savoie, de Genevois, de Chablais..." 1730 et "Le gouvernement général du Dauphiné, divisé en haut et bas, subdivisé en plusieurs pays et en baillages".
Extraits des cartes "Les duchés de Savoie, de Genevois, de Chablais..." 1730 et "Le gouvernement général du Dauphiné,  divisé en haut et bas, subdivisé en plusieurs pays et en baillages".
Une route dans les montagnes du comté de Nice, un jour de foire, 1864. Une bonne connaissance du chemin est primordiale car certains passages difficiles peuvent provoquer des chutes mortelles !
Une route dans les montagnes du comté de Nice, un jour de foire, 1864. Une bonne connaissance du chemin est primordiale car certains passages difficiles peuvent provoquer des chutes mortelles !

Agriculture, quotidien et armement

Le fer, solide et résistant, permet depuis l’âge du Fer, le travail de la terre, la fabrication d’outils et ustensiles du quotidien. Mais s’il favorise le développement de la société, il est aussi un outil de destruction, au service des enjeux de pouvoir et des luttes armées.

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Armet savoyard, fer, 17e siècle. Ce regard vous fait-il frémir ? Réalisés à l’imitation du visage humain, les armets sont des casques fermés utilisés par les fantassins des armées européennes lors du siège des villes ennemies.
Armet savoyard, fer, 17e siècle. Ce regard vous fait-il frémir ? Réalisés à l’imitation du visage humain, les armets sont des casques fermés utilisés par les fantassins des armées européennes lors du siège des villes ennemies.
Imposte de l’hôtel de Châteauneuf, fer, 17e siècle, Chambéry. L’abondance des mines de fer a permis à l’art de la ferronnerie de se développer. Chambéry est une ville riche en ferronneries : grilles, balcons et rampes.
Imposte de l’hôtel de Châteauneuf, fer, 17e siècle, Chambéry. L’abondance des mines de fer a permis à l’art de la ferronnerie de se développer. Chambéry est une ville riche en ferronneries : grilles, balcons et rampes.
Pioche Leborgne, 19e siècle. Le village d’Arvillard dans le massif de Belledonne est un site important de forge d’outils. L’entreprise Leborgne s’y implante en 1829, à l’emplacement des forges de la Chartreuse de Saint-Hugon. Toujours en activité, l’usine fabrique du matériel de jardinage. ©Collection Famille Blanc
Pioche Leborgne, 19e siècle. Le village d’Arvillard dans le massif de Belledonne est un site important de forge d’outils. L’entreprise Leborgne s’y implante en 1829, à l’emplacement des forges de la Chartreuse de Saint-Hugon. Toujours en activité, l’usine fabrique du matériel de jardinage.

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