Une femme puissante : Christine de France

Fille du roi Henri IV, cette princesse française devient duchesse de Savoie à l’âge de 13 ans. Ambitieuse, courageuse et déterminée, elle est, au cœur du 17e siècle et alors qu’elle doit affronter une guerre civile, une véritable femme d’Etat qui fait rayonner les États de Savoie par-delà les frontières.

Fille et sœur de roi, épouse de duc

Fille d’Henri IV et de Marie de Médicis, Christine nait au palais du Louvre en 1606. Elle a 5 ans quand son père meurt assassiné par Ravaillac. De sa mère, de la riche famille florentine des Médicis, elle hérite le raffinement et le goût pour les arts. Alors que ses sœurs Elisabeth et Henriette deviennent reine d’Espagne et reine d’Angleterre, elle doit se contenter de devenir duchesse en épousant le jeune prince héritier de Savoie, Victor-Amédée, de 20 ans son aîné. Le mariage est célébré dans la chapelle royale du Louvre. Purement politique cette alliance avec la Maison de France réaffirme la place de la Maison de Savoie au sein des grandes dynasties royales d’Europe mais aussi les ambitions françaises en Italie. 

« Le mariage du lys de France réhausse le prestige de la Croix de Savoie »

La jeune princesse est ramenée triomphalement dans la capitale, Turin,  après avoir traversé en grande pompe la Savoie et assisté à un grand spectacle baroque donné en son honneur au lac du Mont-Cenis, à 2000 mètres d’altitude. Admirée par son époux et très appréciée par la cour de Savoie lors de son arrivée en Piémont, elle attire progressivement la méfiance, la jalousie et la critique de sa belle-famille.

Légende : Portrait de la duchesse Christine de France, milieu du 17e siècle, collection Fondation d’Hautecombe

Une régente dans la tourmente

En 1637, le duc Victor-Amédée Ier meurt, officiellement de la fièvre paludéenne, à moins qu’il n’ait été empoisonné… Devenue veuve et bousculée par la cour, Christine assure la régence de Savoie pour son fils aîné mineur, François-Hyacinthe, mort à l’âge de six ans, puis pour son fils cadet, Charles-Emmanuel. Cette régence est très contestée par ses beaux-frères, le cardinal Maurice de Savoie et le prince Thomas de Savoie-Carignan, qui veulent s’emparer du pouvoir avec l’aide de l’Espagne. Une guerre civile se déclenche : la Fronde des princes. 

Christine fait preuve de courage et de pugnacité lors des deux sièges de la ville de Turin par les armées espagnoles. Lors du second, bien que contrainte de quitter la ville et de se réfugier à Chambéry et à Montmélian pendant plusieurs mois, elle ne cède pas. Grâce au soutien de son frère, Louis XIII, roi de France, elle peut rentrer à Turin en novembre 1640 après la reconquête de la ville par les troupes françaises. Un accord est enfin trouvé entre les deux camps. Il est scellé par le mariage de sa fille Louise-Christine avec son oncle, le prince Maurice par dérogation papale.

Christine de France, duchesse et régente de Savoie, dite "Madame Royale". La duchesse est représentée en veuve, la main posée sur la couronne royale. Collections départementales, ©Département de la Savoie
Christine de France, duchesse et régente de Savoie, dite "Madame Royale". La duchesse est représentée en veuve, la main posée sur la couronne royale.
Carlin de dix écus d'or, frappé à Turin en 1641. Christine de France, duchesse et régente de Savoie et son fils mineur, le jeune prince héritier Charles-Emmanuel. Collections départementales, ©Département de la Savoie
Carlin de dix écus d'or, frappé à Turin en 1641. Christine de France, duchesse et régente de Savoie et son fils mineur, le jeune prince héritier Charles-Emmanuel. Collections départementales, ©Département de la Savoie

On l'appelait Madame Royale

En 1648, l'indépendance du duché et son autorité confortées, Christine proclame la majorité anticipée de son fils, le jeune Charles-Emmanuel, qui devient duc de Savoie à 14 ans. Christine ne continue pas moins à gouverner jusqu’à sa mort. Très fière de sa naissance, celle que l’on appelle Madame Royale, porte le titre de reine de Chypre et de Jérusalem, une titulature royale détenue par les ducs de Savoie depuis le 15e siècle. Après la guerre civile, elle met en scène la puissance des États de Savoie afin de légitimer ses prétentions à un autre titre royal.

Elle contribue au rayonnement de la cour de Savoie et favorise les arts en faisant édifier et embellir des palais en Piémont, comme le Castello Valentino près de Turin. Elle y organise de somptueuses fêtes baroques, dignes des plus grandes cours européennes : ballets, carrousels, mascarades, banquets à sa gloire et celle de son fils le jeune prince héritier. Soucieuse d’asseoir l’ancienneté et la légitimité du duché, elle confie à l’historien Samuel Guichenon une « histoire généalogique de la Royale Maison de Savoye ».

Les efforts entrepris par les successeurs de Christine de France viendront consolider son entreprise : en 1713, son petit-fils Victor-Amédée II devient roi de Sicile, puis de Sardaigne. 

L’héritage de Christine de France en Savoie

Lorsque Christine se réfugie en Savoie en 1639, lors de la guerre civile, elle s’installe au Château de Chambéry. Elle décide alors de restaurer la Sainte-Chapelle et commande l’édification d’une nouvelle façade dans le style baroque déployé à Turin. Cette façade de prestige conçue par son architecte favori, Amedeo di Castellamonte s’orne d’un décor mettant à l’honneur la Maison de Savoie : les lacs ou nœuds d’amour, symboles de la dynastie, les blasons du duc et de la duchesse aux armes de Savoie et de France et, au-dessus de la porte d’entrée, une dalle de marbre portant des louanges à leur gloire. La duchesse n’oublie pas de rappeler son appartenance à la royale Maison de France en faisant installer deux grandes fleurs de lys en laiton doré à la feuille d’or au sommet des obélisques !

sainte-chapelle-facade-500©dpt

Façade de la Sainte-Chapelle du Château des ducs de Savoie à Chambéry. Lors de la période révolutionnaire, les symboles royaux sont enlevés : les fleurs de lys sont transformées en flammes et le texte à la gloire du duc et de la duchesse de Savoie est martelé.

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