L'incroyable destin de Benoît Leborgne, comte de Boigne

Tout le monde le connaît. Sa statue est juchée tout en haut du plus célèbre monument de Chambéry : la fontaine des éléphants. Mais qu’a fait Benoît Leborgne pour mériter une telle renommée ?

Portrait du Comte de Boigne©Archives départementales de la Savoie [2Fi 1047]

De Chambéry aux Indes, l'aventure c'est l'aventure

Benoît Leborgne, nait à Chambéry le 8 mars 1751. Il est le fils d’un marchand de fourrures et autres peaux, dont la boutique se trouve place Saint-Léger. Il aurait pu suivre les traces de son père, s’il n’avait pas eu un goût bien prononcé pour l’aventure et les voyages. C’est ainsi qu'à 17 ans il quitte la Savoie et s’engage dans les armées du roi de France, direction l’île Maurice. Six ans plus tard, il rejoint un régiment gréco-russe, se bat contre les Turcs, est fait prisonnier. A sa libération, il part vers l’Orient et après un long voyage plein de péripéties, débarque aux Indes en 1778.

chambery boutiques

Boutiques de la place Saint-Léger à Chambéry, du temps de Benoît Leborgne. Plans des canaux, îlot bordé par la rue Juiverie et la rue sous le château, 1760. ©Archives départementales de la Savoie [1Fic 103].

La route de la fortune

Par un enchaînement de rencontres et de circonstances, Leborgne entre au service du radjah Sindia, prince des Marathes, en guerre contre ses voisins. Il forme son armée, en devient le général et remporte de grands succès militaires. Grâce à lui, l’empire marathe, au nord de l'Inde, devient l’État le plus puissant du continent indien. Véritable chef de guerre, Leborgne se révèle aussi habile administrateur. Chargé de gouverner les territoires conquis, il amasse une véritable fortune. Mais loin d’adopter une attitude de colonisateur, il œuvre pour le développement des populations locales, sans usurper le pouvoir de son ami Sindia. Il adopte avec raffinement les coutumes du pays et sans doute entretient un harem. Il épouse une jeune femme indienne, baptisée Hélène, fille d’un colonel persan avec laquelle il a deux enfants, dont son unique héritier, Charles.

Des Indes à l’Angleterre : amour et déception

Après la mort de Sindia, Benoît Leborgne, qui se fait désormais appeler de Boigne, grâce aux Anglais incapables de prononcer correctement son nom, quitte l'Inde et débarque en Angleterre, en 1797. Malade et fatigué, il s’installe à Londres avec ses enfants et Hélène, qu’il va très vite délaisser. Il tombe fou amoureux de la jolie Adélaïde d'Osmond, dite Adèle, âgée de 16 ans, une aristocrate française. Le coup de foudre de Benoît est très loin d'être réciproque, mais la jeune femme accepte de l’épouser, pour des raisons purement financières. Le mariage vire à la catastrophe. Adèle, qui manie bien la plume, décrira dans ses mémoires un époux violent et jaloux. Quoiqu’il en soit, le couple est si mal assorti qu’il se sépare. Le général rentre en Savoie, définitivement.

Adélaïde d'Osmond

Portrait d'Adélaïde d'Osmond par Jean-Baptiste Isabey. ©Musées de Chambéry

Chambéry, terre natale

Depuis son retour en Europe, Benoît de Boigne s’emploie à faire fructifier son immense fortune. Il achète de nombreuses propriétés en Genevois et en Savoie, dont le château de Buisson-Rond, où il s’installe en 1807. Il s’implique en politique, est élu président du Conseil général du département du Mont Blanc et membre du Conseil de la ville de Chambéry. Pour le récompenser de sa fidélité à la Maison de Savoie, le roi Victor-Emmanuel lui octroie le titre de comte en 1816.

Si le comte sait profiter de sa fortune, il sait aussi en faire profiter les autres. Il finance de nombreuses œuvres de bienfaisance, dont l’hospice Saint-Benoît destiné à l'accueil des vieillards et offre à Chambéry le percement de l’avenue qui lui manquait pour moderniser son vieux centre : la rue des portiques (rue de Boigne). Lorsqu’il meurt le 21 juin 1830, il a acquis la richesse, la gloire et surtout la grande reconnaissance des chambériens, qui lui dédieront un monument emblématique de Chambéry : la fontaine des éléphants.

Chambéry, rue de Boigne, vers 1900©Archives départementales de la Savoie [2Fi 0145]
Le château de Buisson-Rond©Archives départementales de la Savoie [2FI 2852]
Château de Lucey©Archives départementales de la Savoie

La fontaine des éléphants : au pays des maharadjas

Qui ne connaît pas la fontaine des éléphants ? On pourrait croire qu’elle commémore le passage d'Hannibal en Savoie, tant son caractère exotique surprend les touristes. Pas du tout ! Composée d'un piédestal flanqué de quatre demi-éléphants et d’une colonne en forme de palmier, dont la base est ornée d’armes, d’armures et de drapeaux indiens, elle rend hommage à Benoît de Boigne, bienfaiteur de la ville de Chambéry.  Tout au sommet se dresse la statue en bronze du comte, vêtu de son uniforme de lieutenant général du royaume de Sardaigne. Œuvre du sculpteur Victor Sappey, elle est inaugurée en 1838. A l’origine appelée "Colonne de Boigne", la fontaine des éléphants est devenue le monument le plus célèbre de Chambéry et le préféré de ses habitants, qui, avec humour et amour, l’ont baptisé « les quatre sans cul ».

fontaine deboigne La fontaine des éléphants, ou Colonne de Boigne, vers 1900 ©Archives départementales de la Savoie [2Fi 0145]. La fontaine aujourd'hui ©Conservation départementale du Patrimoine.

Archives familiales : la mémoire de Benoît de Boigne

Données à la ville de Chambéry, mais déposées aux Archives départementales de la Savoie, les archives de la famille de Boigne contiennent des documents relatifs à la vie de Benoît de Boigne, de son fils et héritier Charles-Alexandre, de son petit-fils Ernest de Boigne et de l'ensemble de leur famille. L'importante comptabilité conservée, concerne la gestion de la fortune familiale, des propriétés et en particulier des fondations et donations que fit le comte de Boigne. L'inventaire des archives est en ligne sur le site des Archives départementales. 

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